l'armement

Dès la plus haute antiquité, le feu a été l'un des moyens d'attaque en usage durant la guerre. Chaque belligérant s'ingéniant à trouver des mélanges inflammables capables d'être projetés sur l'ennemi à l'aide de flèches ou de machines et susceptibles de lui causer les plus grands dégâts. L'utilisation de l'huile et la poix bouillantes dans les guerres moyenâgeuses pour la prise ou la défense des châteaux forts en témoigne.

En Orient, les mélanges incendiaires avaient reçu un développement extraordinaire bien avant l'expédition d'Alexandre. Il faudra attendre le VIIe siècle pour qu'ils soient introduits en Europe. Les Grecs du Bas-Empire les développèrent et mirent au point un mélange désigné sous le nom de feu grégeois. Ce terrible mélange, qui fut décisif dans bien des batailles, fut mis au rang des secrets d'État par Constantin VII (913 - 959). Le feu grégeois fut grandement développé dans la guerre maritime pour éviter au mieux les combats résultants des abordages, mais il ne fut pas pour autant négligé dans les combats terrestres où on l'utilisait pour l'attaque des forteresses ou la destruction des ouvrages des assiégeants.


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Le feu pour arme
Des armes pour le feu
Principes fondamentaux
Premières armes portatives
Le chargement par la bouche
le chargement par la culasse

Le feu pour arme

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Les mélanges incendiaires

Après la prise de Constantinople par les croisés en 1204, la connaissance du feu grégeois se répandit chez les Arabes. Ces mélanges subirent alors un perfectionnement fondamental avec l'introduction du salpêtre dans ces préparations. LesMachine fronde Arabes qui avaient mesuré tout l'intérêt de ces mélanges incendiaires les utilisèrent comme principal moyen d'attaque. Ils inventèrent de nombreux projectiles remplis de ces mélanges et les machines leur permettant de les lancer sur l'ennemi. Ce feu fut principalement dirigé contre les croisés qui menaient d'incessantes irruptions sur leur sol.

Habitués au seul combat du fer contre fer, ces moyens de combat semaient l'épouvante dans les rangs des croisés, mais n'étaient pas à l'origine de réels effets meurtriers. Jusqu'ici, le salpêtre que les Arabes introduisaient dans leurs préparations n'était pas assez pur pour créer un effet d'étonnant. Ils ne l'employaient que pour activer la combustion de leurs mélanges. Les progrès que firent les chimistes arabes leur permirent au XIIIe siècle de purifier le salpêtre et d'obtenir un produit débarrassé des matières non combustibles.

La recherche en ce domaine les conduira à trouver que certains mélanges à base de salpêtre, de charbon et de soufre présentaient des propriétés explosives. Cette découverte qui devait peser d'un si grand poids dans les destinées du monde fut naturellement introduite en Europe pendant le moyen-âge, lorsque l'Espagne était occupée et administrée par les Arabes. Elle sera vraiment utilisée lorsque le salpêtre pourra être produit en grande quantité. Ainsi, l'art de lancer au loin des projectiles grâce à des mélanges explosifs ne se développera que vers la moitié du XIVe siècle. Le feu et le souffle de la poudre enflammée ayant la particularité de se propager dans toutes les directions depuis son point d'origine, il fallut inventer des systèmes pour canaliser cette force et la diriger dans une seule direction. Le tube offrit la meilleure solution. L'énergie produite par les frondes et autres armes de jet était désormais remplacée par celle résultant de la combustion de la poudre. L'artillerie à feu prit alors naissance en Europe et remplaça peu à peu les catapultes et autres machines à fronde.

Balbutiements des arts mécaniques (2'26)

L'introduction progressive de la poudre dans les guerres fut l'époque du changement des armes. Avant son utilisation, la catapulte tenait lieu de mortier, la baliste du canon, la pique de la baïonnette. L'utilisation de ces nouvelles armes modifia profondément les dispositions générales et particulièresCoffre d'artifices qu'elles avaient eues jusqu'alors dans la manière de combattre. Le feu et le sabre devinrent les forces agissantes, mais peu à peu le feu devait décider de l'issue des batailles. Avec la constitution d'unités spécialisées utilisant ce type d'armement, se furent toutes les tactiques de guerre qu'il fallut revoir et adapter. Cette mutation fut lente et se développa au rythme des inventions.

La poudre préparée au XIVe siècle était extrêmement imparfaite. On l'obtenait et on l'utilisait sous forme de poussier, état qui lui faisait perdre une grande partie de sa puissance, en outre le salpêtre qui servait à sa fabrication était fort impur. Ces deux inconvénients avaient pour conséquence de produire une explosion progressive qui ne pouvait pas imprimer aux projectiles une vitesse assez grande pour percer les cuirasses et les armures métalliques en usage à cette époque. Aussi, durant le XIVe siècle, les projectiles lancés par les bouches à feu ne furent que très rarement dirigés contre les hommes qui continuaient à porter l'armure. Cet armement servait surtout à lancer de grosses pierres qui, par leur chute, écrasaient les édifices et ruinaient les défenses extérieures des places. La découverte de la poudre à canon ne fit pas complètement abandonner l'emploi des mélanges incendiaires et l'on se servit de ces bouches à feu pour jeter à l'ennemi le feu grégeois et diverses compositions incendiaires.

L'étymologie des noms qui furent attribués à toutes les armes à feu est assez imprécise en varie suivant les auteurs. La course à l'armement que se livraient les nations européennes contribua à la formation de ces noms qui étaient en usage dans ces pays et qui par brassage, retranscription et adaptation formèrent les mots actuellement employés. On peut à ce sujet citer le mot canon. Selon les uns, canon dériverait du mot allemand kanne qui signifie un pot en référence à la similitude des formes de ces bouches à feu primitives assez grosse et courte avec une ouverture très large à l'image de ce type de récipient. Selon d'autres auteurs, canon ferait référence au mot latin canna (la canne, le roseau) que l'on attribua aux pièces d'artillerie qui succédèrent aux bouches à feu primitives appelées en France bombarde, lorsqu'on rallongea le tube de ces armes.

VeuglaireL'usage de la poudre à canon fut introduit en France vers 1330. Sous Philippe VI de Valois (1328 à 1350), apparurent alors les premiers canons, mais leurs mises au point se heurtèrent à deux problèmes importants. Le premier concernait la poudre avec laquelle il fallut se familiariser pour ensuite en maîtriser les effets. Le second concernait l'art métallurgique qui faute d'expérience, ne produisait que des pièces très imparfaites, tant dans leurs formes que dans leurs fabrications. Ces engins étaient le plus souvent réalisés en deux parties comme les veuglaires composés d'une chambre à feu et d'une volée, simple tube de fer ouvert à ses deux bouts et recouvert de bois maintenu par cerclage métallique. Le chargement s'effectuait alors par la culasse, mais ce procédé fut très vite abandonné à cause des fuites de gaz dues à une obturation incomplète, de l'insécurité que ces engins présentaient et surtout de l'impossibilité de remédier à ces défauts avec les procédés mécaniques imparfaits de l'époque. Les armes furent alors chargées par la bouche.


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Des armes pour le feu

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Premières armes portatives

Pour adapter l'arme à feu au combattant individuel, il fallut se résoudre à réduire considérablement le poids et le calibre de ces canons. Cette nouvelleBâton à feu arme n'était alors constituée que d'un simple tube prolongé d'une tige de bois qui, posée sur l'épaule ou maintenue sous l'aisselle gauche permettait de diriger le tir. Cette arme appelée communément bâton à feu ou canon à main était servie par deux hommes. L'un la portait et l'ajustait, l'autre y mettait le feu. Quelles que soient la forme et la dimension de ces armes,  rien ne permettait à cette époque de distinguer les armes portatives des pièces d'artillerie proprement dite. Ainsi les premières armes à feu qui apparurent au début du XIVe siècle étaient posées à terre pour le tir ou munies d'un petit affût de bois que l'homme d'armes plaçait sur son épaule droite et à laquelle il mettait le feu de la main gauche. Suivant la charge et la forme, ces pièces s'appelaient bombarde lorsqu'elles étaient destinées à battre en brèche les murailles et lançaient des boulets de pierre, ou canon à main lorsqu'elles projetées des balles de fer.
Dans un inventaire trouvé aux archives de la ville de Bologne daté de 1397, le canon à main était désigné sous le nom de sclopo d'où l'on a fait plus tard sclopeto puis escopette. Sous Louis XI (1423 - 1483), les arts métallurgiques permirent de fabriquer des boulets en fonte de fer. Le canon fut fait de bronze pour résister à l'augmentation de la charge de poudre et à l'emploi des nouveaux projectiles. Cette avancée permit alors de réduire la dimension des pièces dont les effets étaient bien supérieurs à ceux des boulets de pierre.

La couleuvrine à main succéda assez rapidement au canon à main. Elle se différenciait des bombardes, car elle était d'une seule pièce. Les premiers exemplaires étaient en bronze (1) puis, l'industrie se perfectionnant, elles furent fabriquées en fer forgé d'un seul tenant. En raison de son recul très prononcé et du choc qui en résultait, le tireur ne plaçait pas la couleuvrine à main contre son épaule. L'arme possédait à sa partie antérieure une forme permettant de la poser sur un piquet. Le canon était lié à une crosse de Couleuvrinebois un peu recourbée. On mettait le feu à la couleuvrine à main au moyen d'une mèche. Deux hommes la servaient, l'un la pointait, l'autre l'allumait. La couleuvrine à main fut en usage pendant la plus grande partie du XVe siècle et les premières années du XVIe. Elle fut fabriquée en différents diamètres et longueurs. Son point d'appui fut remplacé par une fourquine c'est-à-dire d'un bâton ferré se terminant en fourchette à sa partie supérieure. Toutes ces armes étaient très grossières, très incommodes et en raison de leur mauvaise fabrication, elles éclataient fréquemment.

Si l'artillerie commençait à prendre une certaine importance surtout dans les guerres de siège, les armes à feu portatives n'avaient fait aucun progrès. Il faut dire qu'à cette époque on croyait faire acte de lâcheté en utilisant une arme qui puisse tuer son ennemi à distance sans encourir le moindre danger. Cet idéal de panache et de fierté fera prendre à l'infanterie française un énorme retard qu'elle payera cher à la bataille de Pavie en 1525. Confronté aux arquebusiers espagnols, plus nombreux, plus habiles, mais surtout mieux armés, François Ier sera stoppé à la tête de sa noblesse dans une brillante charge rendue inutile face à la puissance de feu de l'armée ennemie. 10 000 hommes perdront la vie et François Ier sera fait prisonnier(2).


(1) Il semble que nom de cette arme soit dû à la couleur du métal et à sa forme allongée qui donnait quelques ressemblances avec la couleuvre.

(2) C'est à l'issue des guerres d'Italie que François Ier entreprit de grandes réformes utiles pour l'armée. L'expérience de ces guerres dans ce pays avait démontréBombarde portative à ce prince combien il était dangereux d'avoir une armée composée d'éléments étrangers, sur lesquels le général n'avait bien souvent que peu d'autorité. C'est sur ce constat qu'il décida d'accorder à l'infanterie une place tout aussi importante que celle qu'il accordait à sa cavalerie. Pour la rendre plus forte, nombreuse, disciplinée et indépendante des corps de troupe étrangers, il organisa dès 1534 l'infanterie en créant des légions sur le mode romain. Sept légions réparties dans les différentes provinces du royaume. Composée de six mille hommes, ces légions étaient divisées en six groupes commandaient par six capitaines dont un portait le titre de colonel (cette charge fut créée à la formation des légions). Il avait le commandement de la légion et était nommé par le roi ainsi que les capitaines. Chaque capitaine était secondé par deux lieutenants qui commandaient chacun cinq cents hommes. Le premier les arquebusiers et l'autre les piquiers ou les hallebardiers. Ils étaient à leur tour secondé par deux enseignes. Chaque groupe était ensuite subdivisé en élément de cent hommes commandé par un centenier (aujourd'hui capitaine). Chaque légion comprenait également quarante caps d'escadre (caporaux), quatre fourriers, six sergents, quatre tambourins et deux fifres.

Malheureusement, la mise en place de ces légions se heurta à de nombreuses difficultés, dont celui du recrutement, mais plus encore à celui de l'indiscipline. François Ier dut se résoudre à dissoudre ces légions pour en revenir à l'usage des compagnies de trois ou quatre cents hommes, obéissants à un capitaine, et que l'on nommait bandes. L'idée faisant son chemin, Henri II par ordonnance du 22 mars 1557 reconstitua les sept légions fortes de six mille hommes chacune. Ces nouveaux corps de troupe étaient divisés en quinze compagnies de quatre cents hommes, treize commandées par un capitaine secondé par une enseigne, deux sergents, huit caporaux, les deux compagnies restantes étaient placées sous les ordres du colonel. Ce dernier disposait d'un état-major pour régir sa légion, de là viendra le nom de régiment (du latin regere, régir, gouverner).
En 1567, toutes les légions adoptèrent la dénomination de régiment.


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Principes fondamentaux

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Le calibre de l'arme

En réduisant les armes à feu à des modèles portables, on abandonna l'usage de celles que l'on chargeait avec de multiples projectiles pour des canons à projectile unique. Au-delà du nom que l'on attribuait à ces différentes armes aux formes et longueurs variables, il apparut nécessaire de pouvoir les distinguer en fonction d'une caractéristique unique propre à chacune d'entre elles. La puissance de ces engins reposant sur leur capacité à propulser un projectile plus ou moins important, c'est tout naturellement sur cette considération que s'établit cette différenciation. La fabrication des projectiles jusqu'alors grossière demanda à être plus soignée et les fabricants se tournèrent rapidement vers le plomb. Ce métal mou et pesant ayant la particularité d'être facilement fusible contrairement à d'autres métaux comme le fer ou la fonte offrait l'avantage d'être aisément façonnable après son moulage. Sa masse importante permettait d'augmenter la portée du tir et sa justesse. La forme initialement retenue pour ce projectile fut celle de la sphère ou de la bille auquel on donna le nom de balle du grec ballô : je jette, je lance, par extension ce nom sera donné à tous les objets sphériques destinés à être lancé (ex. la balle de tennis).

Désormais l'arme pouvait être caractérisée par le diamètre de la balle de plomb qu'elle était capable de projeter. Resté à déterminer une échelle permettant d'universaliser ce mode de calcul. Pour éviter une multitude de diamètres fantaisistes, on prit pour référence la livre de plomb (~ 490 g). Cette quantité de plomb était alors divisée en autant de parties égales que l'on désirait, puis chacune de ces portions était ensuite fondue afin d'obtenir une bille dont le diamètre dépendait du volume de plomb de chaque portion. Il ne restait plus qu'à forger un canon dont le diamètre de l'âme serait équivalent à celui de la balle. Cette équivalence ou exacte correspondance du latin æquilibritas donnera le mot calibre qui, à cause de sa racine latine sera d'abord écrit qualibre. Lemoule_a_balles calibre des armes fut alors désigné en fonction du nombre de balles obtenues par livre de plomb. Ainsi, on disait d'un mousquet ordinaire qu'il était au calibre de 20 balles de plomb à la livre, cela signifiait que le diamètre de son canon pouvait recevoir des balles de plomb dont le poids correspondait à 1/20 d'une livre.

Pour obtenir ces billes, on versait le plomb fondu dans des moules (img. ci-contre) dont le calibre ne s'exprimait pas en fonction du diamètre de la balle que l'on obtenait, mais en fonction du poids de plomb de cette balle, on disait par exemple un moule à 3 onces (~ 90 g) ce qui correspondait à une balle d'un diamètre de 11 lignes ½ (~ 25 mm). Grâce à des tables de conversions, on pouvait aisément transformer la valeur du poids de plomb au diamètre de la bille obtenue. La révolution tentera d'imposer le système métrique, le calibre des armes calculé de la même manière devait se rapporter au nombre de balles par kilogramme de plomb et le diamètre de la balle s'exprimer en millimètres, mais la livre avait encore de beaux jours devant elle.

La variation du calibre des armes pour l'adapter au but recherché entraînait automatiquement des variations de longueur, de solidité et surtout de poids. Cet ensemble de contraintes, auquel il fallut rajouter celle de ne vouloir qu'un seul modèle de cartouche pour toute l'armée, quel que soit le type d'arme, décida d'un calibre qui devait pouvoir répondre à un juste équilibre entre tous ces critères. C'est ainsi qu'à compter du premier modèle arrêté en 1777, le diamètre des balles fut fixé à 18 à la livre (27,2 g), soit 7 lignes 4 points (16,54 mm). Le calibre des fusils fut fixé à 7 lignes 9 points (17,48 mm), celui des petites armes (mousquetons et pistolets de cavalerie) à 7 lignes 7 points (17,11 mm), le pistolet gendarmerie qui était une arme très courte et spécifique à ses missions à 6 lignes 9 points (15,23mm).

Si ce système de calcul simple pouvait aisément s'appliquer pour des armes rudimentaires, il devint de plus en plus contraignant au fur et à mesure de l'évolution des armes et notamment à celle de la cartoucherie. En effet, en spécifiant la balle par son poids et non par son diamètre, on se condamnait à n'utiliser que des balles dont le diamètre résultait d'une division de la livre de plomb par des entiers naturels. Ainsi, il était impossible de fabriquer une balle dont le diamètre aurait dû correspondre à 19,4 ou 20,6 balles de plomb à la livre. Une décision ministérielle de 1819 changea l'appellation des balles. Il fut alors décidé à ne plus désigner les balles par leur nombre à la livre, mais par leur diamètre exprimé en millimètres et fractions de millimètre. Il faudra cependant attendre 1827 lorsqu'on adopta la balle de 19 à la livre soit 7 lignes 3 points (16,35 mm) de diamètre pour mettre en application cette décision.

Les balles étant sphériques, l'énonciation de leur diamètre suffisait à leur détermination. L'emploi des armes rayées ayant conduit à de nouvelles formes de projectiles et la forme sphérique ayant été abandonnée pour éviter toute confusion il fut décidé en 1857 sur la proposition du Comité d'artillerie et par analogie avec ce qui se pratiquait déjà pour les armes que les balles seraient désignées par l'année de leur adoption précédée du mot modèle ; c'est ainsi que l'on disait : balles d'infanterie, modèle 1857 ; balles de chasseurs, modèle 1859.

Le forgeage des canons (5'55)

Quel que soit le niveau de sophistication des mécanismes de mise à feu ou des accessoires entrant dans la fabrication des armes, le canon en demeure Forgeage des canonsl'élément principal. Arriver à obtenir un tube aussi parfait que possible et résistant, calibré au diamètre des balles de plomb demandait de la part des cannoniers une grande dextérité et une maîtrise parfaite de l'utilisation de la forge. Jusqu'au Premier Empire, le procédé de fabrication a été celui que nous allons décrire ici. Les progrès en matière de métallurgie avec l'invention d'outil industriel comme les laminoirs modifieront le travail d'usinage, mais le procédé restera le même. Ainsi, pendant plus de deux siècles, les forgeurs devaient à partir des barres de fer moulées grossièrement en forme carrée par les fonderies, préparer d'abord la pièce qui allait leur servir à élaborer le canon. Cette étape appelée étirage consistait à mettre sous la forme d'une lame plate le morceau de fer brut coupé à la longueur choisie qu'on appelée bidons. Réalisée à la forge, la lame était entièrement façonnée au marteau sur l'enclume par un maître forgeron et ses aides. Cet ouvrage long et laborieux exigeait plus de travail que la réalisation du canon lui-même. Au terme de cette première étape, le forgeron devait obtenir un fer plat d'un mètre de long dont l'épaisseur et la largeur allaient en diminuant d'une extrémité à l'autre.

Cette opération terminée, la lame était ensuite chauffée au rouge et roulée sur elle-même puis sur une broche dans toute sa longueur pour former un cylindre creux. Pour souder le canon, les deux parties de la lame qui avaient été martelées préalablement en biseau, étaient chauffées à blanc et fusionnées à coups de marteau sur une broche introduite juste avant le martelage dans le canon. Une fois terminé, le canon était entièrement recuit pour rendre le fer plus doux et le forgeron profitait de cette opération pour s'assurer de la rectitude du tube ainsi obtenu en le dressant au besoin sur son enclume. Le côté le plus épais devant contenir l'explosion de la poudre s'appelait le tonnerre tandis que l'autre extrémité formant la sortie du canon s'appelait la bouche.

À l'issue, le canon passait dans les mains du foreur. Attaché sur un chariot mobile, le canon était traversé par une série de plusieurs forets tournant rapidement afin d'obtenir un cylindre sans défaut. Compte tenu de l'état rudimentaire du canon forgé, ce travail était long et délicat et demandant la plupart du temps le passage de 22 à 24 forets. Les premiers forets, plus petits, cassaient souvent. Le travail de forage n'était terminé que lorsque le diamètre interne du canon était inférieur de un millimètre au diamètre définitif. Arrivée à ce stade, le canon était une nouvelle fois recuit et au besoin dressé après quoi, l'âme du canon recevait sa finition. C'était leOpération de tournage travail d'alésage qui permettait de retirer les quelques dixièmes de millimètres restant pour mettre l'arme au calibre. Le dernier alésoir portait le nom de mèche à polir ou polissoir. Cet outil mû sur lui même autour de son axe était animé par l'ouvrier aléseur d'un mouvement de va-et-vient dans le canon. La vérification du forage de l'âme se faisait au moyen d'un cylindre d'acier du diamètre exact de l'âme. Ce cylindre en parcourant l'âme du canon ne devait pas être arrêté dans sa course ni être freiné dans une partie ou dans l'autre. Les points où cet effet avait lieu étaient de nouveau soumis au polissage.

L'usinage intérieur du canon étant arrivé à son niveau de finition, le canon était alors confié au tourneur qui tournait la surface extérieure afin  de lui donner une forme cylindrique. Ce travail était suivi de l'émeulage qui consistait à enlever avec la meule les inégalités qui restaient après le tournage. De la longueur du canon dépendait la justesse du tir et sa portée, mais il fallut trouver un compromis entre ces impératifs et les exigences dues à un chargement facile et un poids raisonnable. Les canons des premiers fusils furent fixés à 44 pouces (1,18m) comme l'étaient les derniers mousquets de 1650. Ils seront diminués de 2 pouces (4,4 cm) en 1763 et ramenés à 40 pouces (1,08m) en 1820.

Les modèles d'armes (10'15)

La mise au point des armes donna lieu pendant de nombreuses années à de multiples expériences et inventions de toutes sortes réalisées par des particuliers. Cette évolution reposait essentiellement sur l'adresse ou le caprice d'ouvriers isolés. Il n'y avait rien d'arrêté et même les manufactures royales comme celle de Tulle fondée en 1646 modifiaient la fabrication de leurs armes au grès des trouvailles. Les fourbisseurs, arquebusiers et autres armuriers rivalisaient d'ingéniosité et proposaient une multitude d'inventions qui firent l'objet de nombreux brevets, sans pour autant qu'ils ne trouvent une application immédiate ou à venir.

Dans ce contexte, les mousquets et autres armes de guerre fournis par des entrepreneurs particuliers travaillant pour le compte de l'état n'étaient soumis à aucun contrôle sérieux. Parmi les principaux fabricants d'armes dont la renommée avait dépassé nos frontières, un grand nombre d'entre eux étaient installés à Saint-Étienne. L'époque à laquelle la fabrication des armes à feu fut introduite dans cette ville est fort incertaine, mais des documents attestent de son activité en 1536 avec l'achat par les consuls du Puy de cinquante-six arquebuses. Pendant plus de deux siècles, le gouvernement se contenta de commander les armes dont il avait besoin aux armuriers de la ville qui pouvaient les lui fournir aux meilleures conditions. Les officiers d'artillerie chargés de sélectionner les armes devant équiper les troupes en faisaient seulement l'épreuve et la réception sans en surveiller la fabrication, ce qui donnait lieu à des armes de qualité bien différente tant sur le plan de la conception que sur celui de la fiabilité. Pour s'assurer de l'uniformité et de l'excellence du produit, il fallut surveiller la qualité des matières et toute la chaîne de fabrication.

En 1717, le roi envoya à Saint-Étienne un officier d'artillerie avec la qualité d'inspecteur secondé par un contrôleur. Les armes de guerre furent alors soumises à un contrôle plus rigoureux. Pour mettre un terme aux fantaisies des armuriers, on décida que dorénavant, toutes les armes seraient fabriquées suivant un modèle unique appelé fusil modèle. On fit des règlements sur les proportions et les dimensions des pièces, la qualité des matières et on ordonna l'épreuve et la visite des matières premières et des pièces confectionnées, l'on fixa des procédés uniformes pour la fabrication.

Le premier modèle de fusil qui fut officiellement établi, prit le nom de fusil modèle 1717 et fut adopté en France pour l'infanterie. Il avait un canon rond de 44 pouces (1,191 m) et était équipé d'une baïonnette à douille fendue sans pontet ni virole ayant une lame de 14 pouces (0,379 m) à trois quarres non évidées. Cette uniformisation devait par la suite s'appliquer à l'ensemble des armes à feu ou armes blanches équipant les armées françaises puis être imposée aux armuriers recevant une commande de l'état. Les règlements concernant la fabrication des armes furent étendus aux autres armes qui présentaient des caractéristiques spécifiques suivant qu'elles étaient destinées à l'infanterie, la cavalerie, l'artillerie ou la marine. Elles furent à leur tour millésimées lorsqu'elles reçurent leur première modification, les armes nouvelles prenant le millésime de leur création.

  À compter de ces premiers modèles, toutes les modifications ou améliorations notables retenues par les commissions d'armement firent l'objet d'un nouveau modèle qui prit le nom de l'année durant laquelle elles avaient reçu cet agrément. Les progrès dans le domaine de la métallurgie permettant d'améliorer continuellement les armes, ce n'est pas moins de onze millésimes qui furent arrêtés et fabriqués pour le fusil de l'armée française jusqu'au modèle de 1777 qui servira dans toutes les principales guerres de la révolution. Ce modèle fut celui qui resta le plus longtemps en service. Il sera maintes fois perfectionné, mais présentera souvent l'inconvénient de rater. Il sera modifié en conséquence en l'an IX (1801) puis sera remplacé par le modèle 1816 et le modèle de 1822. Le calibre de ces fusils était réglé pour recevoir des balles de plomb de dix-huit à la livre.


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Premières armes portatives

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L'arquebuse

Le poids des premiers canons à main nécessité l'emploi de deux hommes pour les porter pendant la marche. La pièce était alors installée sur un chevalet l'arquebuseà même le sol et on la chargeait avec des pierres ou des morceaux de fer. Le poids de ces armes et l'impossibilité de leur donner une inclinaison convenable pour ajuster le tir rendaient ce dernier très incertain. Pour remédier à ces inconvénients, on diminua dans un premier temps la longueur et l'épaisseur du tube, puis on l'enchâssa sur une couche de bois que l'on nomma fût. Pour le manier plus facilement, le fût se terminait par une pièce de bois recourbée qui prit le nom de crosse à cause de sa forme recourbée, puis on plaça un axe au niveau du centre de gravité de la pièce pour servir d'axe de rotation. L'arme prit le nom d'arquebuse(1). Elle reposait désormais sur une fourchette ou croc, fixée elle-même sur un trépied permettant de faire varier l'angle d'inclinaison. Cette arme au calibre de 8 balles à la livre, ne laissait au soldat qu'une main de libre pour la soutenir, l'autre étant employée à présenter la mèche sur la lumière (2) située au-dessus de l'arme.

Le manque de maniabilité de cet engin limitait son utilisation aux guerres de siège. Vers 1480, on diminua encore la longueur et l'épaisseur de ces armes, et de 8 balles à la livre, leur calibre passa à 10, mais leur poids ne permettant toujours pas de les utiliser sans appui, on se servit pour mettre en joue d'une béquille ou fourchette sur laquelle on appuyait le bout du canon. C'était l'arquebuse à forquine. Pour faciliter sa mise à feu, la lumière fut percée sur le côté de l'arme, ce qui obligea, pour maintenir le pulvérin, la mise en place près de la lumière d'un petit dispositif qui prit le nom de bassinet.

Ces armes si lourdes et si encombrantes furent longtemps considérées comme des objets de curiosité n'ayant d'autre mérite que celui de faire du bruit. Cependant, avec un perfectionnement toujours croissant, elles résistèrent à tous les préjugés, et vers la fin du règne de Louis XII, l'arquebuse devint une arme commune dans les armées françaises. L'usage de l'arc fut aboli, mais on conserva encore l'arbalète, car la force de pénétration de cette arme lui permettant de traverser à une distance de 150 ou 200 pas les armures, cuirasses... était pratiquement équivalente à celle des arquebuses.

La difficulté de viser en mettant le feu à la charge avec la main tenant la mèche allumée tandis que l'autre immobilisait l'arme contre l'épaule fit chercher le moyen de porter le feu à la charge à l'aide d'un mécanisme simple et commode. Les Espagnols qui avaient mesuré l'importance de posséder cePlatine à mèche nouvel armement s'étaient employés à l'améliorer. Ils inventèrent un nouveau système de mise à feu qui allait révolutionner les armes portatives. La mèche incandescente que le tireur faisait suivre pour allumer la poudre d'amorce avait été abandonnée au profit d'un mécanisme intégré à l'arme et offrant la même finalité. La mèche était placée dans une pince longue et recourbée appelée serpentin qui sous l'action du doigt sur la détente fixée sous le fût, basculait de manière à porter la mèche sur le bassinet qui contenait la poudre. Il ne restait plus à l'arquebusier de compasser la mèche c'est-à-dire de l'ajuster et d'activer sa combustion avant de presser sur la détente. Ce système fut désigné sous le nom de platine à mèche. Il reçut de nombreuses améliorations dont un ressort de gâchette permettant d'éloigner le chien du bassinet aussitôt qu'on cessait de presser sur la détente. Le bassinet fut équipé d'un couvercle, permettant de placer dans l'arme la poudre d'amorce longtemps à l'avance, opération impossible avec la couleuvrine. Le canon fut muni d'un guidon pour faciliter le pointage. La monture reçut une forme plus pratique et fut pourvue de la baguette. Le mécanisme de cette platine évoluera de telle sorte que le ressort initialement prévu pour éloigner le chien du bassinet agisse en sens inverse, c'est-à-dire en exerçant une pression contre le chien de telle sorte qu'une fois libéré de son cran d'arrêt par l'action de la gâchette, il s'abatte sur le bassinet.


(1) le nom d'arquebuse est tiré de la combinaison du mot italien arcobugio composé du substantif arco ( arc ) et de l'adjectif bugio ( percé, creux ) et par extension bâton creux, tube.

(2) nom donné à l'orifice pratiqué dans le tube d’une arme et par laquelle se fait la mise à feu de la charge de poudre.

La platine à rouet (4'15)

L'ensemble de ces améliorations favorisait la rapidité du tir et sa justesse. L'arme de plus petit calibre et moins longue était Arquebusierdésormais tenue à deux mains. Elle présentait cependant plusieurs défauts dont ceux concernant la mèche servant à la mise à feu qui ne cessait de se consumer entre deux tirs, ou de s'éteindre par temps de pluie ou bien encore de dévoiler de nuit la présence du soldat.

Ce mécanisme rudimentaire fut bien vite remplacé par un système imaginé en Allemagne vers 1517 et dont le principe de mise à feu ne consistait plus à utiliser le feu continu d'une mèche incandescente, mais celui créé suivant la volonté du tireur par d'un dispositif générant des étincelles. Ce nouvel ensemble sera désigné sous le nom de platine à rouet.

Dans cette platine, la mèche était supprimée et l'inflammation de la poudre était obtenue par le frottement d'une pierre à silex (elle sera remplacée plus tard par un alliage métallique (fer et antimoine)) contre une petite roue d'acier cannelée sur son pourtour. Cette roue était actionnée par un ressort en spirale que l'on remontait à l'aide d'une clé comme l'on remonte celui d'une horloge. L'action du doigt sur la détente libérait le ressort qui en se détendant transmettait à la roue un vif mouvement de rotation. Avant de presser la détente, le chien, entre lesPlatine à rouet mâchoires duquel se trouvait le silex, était abaissé sur les cannelures du rouet communiquant avec le  bassinet. Il était maintenu dans cette position sous l'action d'un ressort. Par friction avec la pierre ou l'alliage, il se produisait une gerbe d'étincelles qui mettait le feu à la poudre d'amorce (le pulvérin) contenue dans le bassinet.

L'invention de ce système, comme tous ceux qui suivront, donnera lieu à une terminologie particulière qu'il fallut inventer. Ainsi, les deux plaques de fer entre lesquelles était fixé l'aliage fut appelé chien, car il figurait grossièrement les mâchoires de l'animal. Si ce mécanisme présentait une réelle avancée technique, il n'en présentait pas moins plusieurs défauts, dont celui de se dérégler fréquemment. De plus, la petite pièce d'alliage métallique s'usait rapidement et nécessité d'être remplacée fréquemment. C'est pour cela que l'arquebuse à mèche malgré son poids plus important que celui de l'arquebuse à rouet fut longtemps préférée à la nouvelle venue.
Le premier corps d'arquebusiers à cheval fut créé en France en 1537 vers la fin du règne de François Ier. À cette époque ces armes étaient encore désignées sous les noms de harquebutes, arquebuses, échaopettes, escopettes.

Mousquet & mousqueton (7')

Ce fut encore en Espagne que l'on perfectionna l'arquebuse et qu'on en fit une arme un peu supérieure. Pour permettre son usage dans la cavalerie, onMousquet avec platine à mèche et sa fourquine réduisit encore ses dimensions et on l'équipa d'une crosse très recourbée que les cavaliers appuyaient sur leur poitrine pour tirer. On les appela pour cette raison poitrinal ou pétrinal. Cette arme d'un calibre inférieur à l'arquebuse et plus facile à fabriquer devint d'un usage plus général y compris dans l'infanterie et finit par supplanter l'arquebuse sous le nom Mousquetaire - 1572 de mousquet dès le début du dix-septième siècle. Il sera introduit en France sous Charles IX. Il y avait des mousquets à mèche et d'autres à rouet. Cependant, les premiers mousquets encore très lourds nécessitaient toujours l'emploi de la fourquine. Au fur et à mesure des progrès métallurgiques, ils seront allégés pour que l'on puisse finalement les utiliser simplement en appui contre l'épaule. Les mousquets se déclinaient en plusieurs calibres : de 12 à 16 balles à la livre pour celui des places et de 20 à 22 pour celui de campagne. L'expérience ayant été à l'origine des choix qui prévalurent pour la réalisation de ces armes, la longueur du canon fut fixée vers 1650 à 44 pouces (1,18m).

Le nom de mousquetaire fut donné aux premiers cavaliers armés de mousquets. Les premiers mousquetaires français parurent en 1572.  Ces soldats portaient la bandoulière à laquelle pendaient par des cordons, des étuis de cuir, de bois ou de fer blanc contenant les charges de poudre faites d'avance. Les deux bouts de la bandoulière se réunissaient sur le côté droit où ils supportaient le sac à balles et le flasque pour le pulvérin d'amorce.

L'armement d'un mousquetaire se composait d'un mousquet, d'une épée, de la bandoulière (courroie de cuir conçue pour le transport des munitions que l'on porte sur l'épaule gauche et se termine sur la cuisse droite en soutenant le sac à balles), du baudrier (courroie de cuir qui se pose sur l'épaule droite et se termine sur la cuisse gauche et sert à porter l'épée), de la bourse, des charges et de la mèche. Suivant le règlement militaire de l'époque le tir au mousquet se faisait de la manière suivante : « poser la crosse du mousquet contre l'estomac, un demy pied au dessous du menton ; la main gauche sous le fust, au defaut de la baguette, le pouce de la droite, quatre ou cinq doigts derriere la culasse, et les autres doigts de la main sous la clef, pour faire jouer le serpentin quand on veut tirer ».

Le mousquet restera en usage jusqu'en 1680, époque où l'on arma de fusils quelques corps d'élite. Il sera totalement supprimé en 1703, lorsque toute l'infanterie reçut des fusils. Les armes adoptées pour l'infanterie étant peu commodes pour les cavaliers, on fit à leurs usages des mousquets plus petits et plus légers qu'on appela mousquetons. L'escopette était une espèce de mousquet très allégé qui fut utilisé sous Henri IV. Le mousqueton comme son nom l'indique est un diminutif du mousquet. Cette arme uniquement destinée à la cavalerie se déclina par la suite en trois modèles qui suivant leurs dénominations étaient affectés à la cavalerie de ligne, à la gendarmerie et aux hussards.

Le pistolet (10'22)

En 1694 le mousquet à mèche était encore en usage parmi les troupes françaises. Cependant le mousquet était une arme Reitresencore bien lourde pour laPistolet à rouet cavalerie. La nécessité d'alléger cette arme amena l'invention du pistolet ainsi nommé suivant les uns parce qu'il fut fabriqué pour la première fois à Pistoia (Italie), suivant les autres parce que le canon avait le diamètre exact de la pistole. Le pistolet n'était autre chose qu'un mousquet de petit calibre dont la crosse, ne devant pas être épaulée, devait permettre de faire feu à bras tendu. D'un calibre de cinq lignes, leurs longueurs variaient d'un pied à un pied et demi. Comme le mousquet, il fut à son tour équipé du système de mise à feu à rouet. Cette technologie permit de mettre en oeuvre des unités combattantes d'un genre nouveau.

Il fut tout d'abord adopté en Allemagne qui en équipa son infanterie. La cavalerie ne put en faire usage qu'à partir du moment ou l'on ne fut plus obligé de porter le feu à la charge par l'intermédiaire d'une mèche allumée. Elle constitua alors des unités de pistoliers appelés reîtres(1). À l'opposé des charges puissantes de la cavalerie, les escadrons de reîtres étaient organisés sur plusieurs lignes. Arrivée à porté de l'ennemi la première ligne tirait puis dégageait l'espace pour permettre à la seconde ligne de tirer à son tour et ainsi de suite. Cette technique fut adoptée en France qui eut son corps de pistoliers en 1590, mais l'usage de cette arme dans la cavalerie française remonte aux années 1540. Ces pistolets se reconnaissaient à leurs grandes dimensions, à la forme arrondie de la crosse et à l'angle très prononcé que faisait la crosse avec le canon. On les appelait pistolet d'arçon ou demi-arçon suivant leur longueur parce qu'on les attachait à l'arçon de la selle. Plus tard, ils seront transportés dans des étuis en cuir fort, appelés fontes, et fixés de chaque côté du pommeau de la selle.

La longueur du canon des pistolets a beaucoup varié, on lui a donnée jusqu'à 65 cm de longueur. En France, elle fut d'abord de 32cm puis, jusqu'en 1777, elle fut comprise entre 8p 6l (23cm) et 9p (24,4cm). Elle fut ensuite réduite à 7 pouces (19cm) puis augmentée de 4 lignes à partir de 1816 pour atteindre 20cm. La longueur de 34,8 cm fut retenue pour le pistolet de cavalerie qui devait être placé dans la fonte de la selle.

Le pistolet de gendarmerie ne devant être utilisé qu'à de petites distances et dans des circonstances qui permettaient d'employer sans inconvénient un calibre différent de celui des armes de guerre, son calibre fut fixé à 26 au demi-kilogramme correspondant à une balle de 1,47 cm de diamètre. Le canon au calibre de 1,52 cm et d'une longueur de 12,9 cm lui permettait d'être employée comme pistolet de poche.


Le premier modèle arrêté par le ministère de la guerre fut celui de 1763.


(1) Du mot allemand reiter, cavalier

La carabine (13'44)

Le canon des mousquets se réduisant à un simple tube bouché d'un côté par une pièce nommée culasse, son mode de chargement et de tir ne pouvait s'effectuer que par l'autre côté : la bouche. Ainsi, afin de permettre au projectile de descendre dans le tube, il fallait que son diamètre soit légèrement inférieur à celui du canon. Cette différence se nomme le vent. La valeur à donner au vent des balles fera l'objet de nombreuses polémiques et discussions au cours des siècles, mais les arquebusiers avaient remarqué dès le début du XVe siècle qu'en diminuant sa valeur, on augmentait la précision du tir et on améliorait la portée de la balle.carabin et pistolier En effet l'observation avait permis de mettre en évidence qu'une balle d'un diamètre inférieur à celui du canon est soumise lors de sa poussée à une série de mouvements irréguliers qui la projette contre la paroi du canon lui imprimant ainsi une série d'oscillations qui empêchent de prévoir sa direction en quittant la bouche. Ce phénomène est dû à la conjugaison de deux poussées, celle exercée sur la balle dans le sens de l'axe du canon et celle exercée par l'échappement des gaz dans l'espace laissé entre la balle et la paroi du canon.

Pour supprimer ce défaut, les arquebusiers décidèrent d'éliminer le vent. Mieux guidée, la balle, soumise qu'à une seule poussée, devait en principe conserver sa trajectoire et la précision du tir devait être améliorée. La balle fut tout d'abord enveloppée dans un calepin, rondelle de peau ou d'étoffe permettant de suprimer les ballottements du projectile. Cette pratique, qui augmentait singulièrement la justesse du tir, rendait malheureusement le chargement beaucoup plus long et difficile et ne pouvait être employé à la guerre. On expérimenta le tir à balles forcées, c'est-à-dire en utilisant des balles dont le diamètre était du même calibre que celui de l'âme du canon. Pour charger l'arquebuse et pousser la balle au fond du canon, on utilisait une tige de fer et un maillet. Le résultat de ces expériences fut décevant et les arquebusiers comprirent que l'imprécision des tirs obtenus était due à la friction de la balle dans l'air qui, dès sa sortie du canon, ne tardait pas à produire de notables déviations. Les multiples essais réalisés dans ce domaine mirent en évidence un autre défaut : le forçage de la balle avait pour conséquence de détériorer l'âme du canon dont l'acier était de mauvaise qualité.

Cependant, les armuriers ne tardèrent pas à tirer parti de ce désavantage. Ils remarquèrent que les rayures formées sur les parois internes des canons par le frottement des balles se prêtaient mieux au chargement à balle forcée et les nombreuses expériences effectuées avec ces armes ainsi rayées avaient également révélé que ces stries augmentaient la justesse du tir. De ces observations, les arquebusiers allemands pratiquèrent vers 1500 des rayures droites dans l'arme, mais elles furent vite abandonnées au profit de rayures hélicoïdales dont on avait remarqué qu'elles augmentaient la portée et la justesse de l'arme. Comme la science de cette époque ignorait la cause d'un fait si remarquable et ne pouvait par conséquent en tirer le meilleur parti, chaque fabricant se mit à produire des rayures faisant varier au hasard de leur goût et fantaisie leur nombre, leur forme et leur inclinaison. On comprit par la suite que le sillon hélicoïdal imprimait au projectile un mouvement de rotation sur lui même lui permettant de conserver une trajectoire dans le sens exact de l'axe du canon et évitait ainsi qu'il n'en soit dévié à cause de sa résistance dans l'air. Les armes confectionnées d'après ces principes reçurent le nom de carabine.

Il semble que les premières arquebuses rayées firent leur apparition en France vers 1550, mais c'est à Louis XIV que nous devons l'introduction de ces armes dans les troupes françaises. Après en avoir mis à l'essai dans quelques compagnies vers 1676, ce prince rendit le 10 décembre 1679 une ordonnance introduisant définitivement cette arme dans la cavalerie. Les premiers utilisateurs de la carabine prirent le nom de carabin puis sous Louis XV le nom de carabinier prévalut. Les premières carabines données à la cavalerie avaient des platines à rouets, mais dès 1678, elles reçurent les platines à silex. Malgré cela, leur chargement à la baguette de fer et au maillet restait inchangé ce qui la fit disparaître des champs de bataille, mais pour un temps seulement...

La cartouche (17'55)

Les difficultés relatives au chargement de toutes ces armes devait également donner lieu à de notables améliorations. Les mousquets et arquebuses se chargeaient par la bouche du Équipement du mousquetairecanon en plaçant d'abord la poudre puis une bourre, enfin la balle et l'on bourrait le tout au moyen d'une baguette. Dans ces débuts, la mesure des charges de poudre se faisait au moment même de tirer. Dans son traité sur les armes et machines de guerre de 1678, le capitaine Gaya du régiment de Champagne explique la façon de mesurer la poudre : « mettre la balle dans le creux de la main, y verser la poudre dessus, tant que la balle soit couverte et ne paroisse plus ». Pour satisfaire à l'exigence de cette approximation, on plaçait à côté des soldats des barils de poudre, dans lesquels chacun allait puiser, mais cette manière d'opérer fut vite abandonnée, le feu et la poudre ne faisant pas bon ménage on préféra mesurer les charges à l'avance. Le volume de poudre nécessaire à chaque tir fut alors placé dans des étuis en bois ou de métal et chaque soldat les transportait suspendus à leur baudrier. Chaque homme portait douze charges, dont une de poudre beaucoup plus fine nommée pulvérin renfermée dans une poire servant pour la mise à feu. Un sac pour transporter les balles, nommé gibecière, complétait l'ensemble qui portait le nom de fourniment.

Suffisant dans les premiers temps, cet approvisionnement nécessita d'être augmenté, sans pour autant qu'il devînt une cause d'embarras. C'est ainsi qu'en 1644, l'armée française abandonna ces étuis au profit d'un conditionnement beaucoup plus léger et bien moins encombrant qui prit le nom de cartouche. La charge de poudre nécessaire pour un tir était alors contenue avec ou sans balle dans une enveloppe enGiberne papier qui avait été roulée sur un mandrin pour lui faire prendre une forme cylindrique. Le papier servant à confection des cartouches ayant été amélioré, il entra tout naturellement dans le processus de bourrage de l'arme. Les cartouches étaient alors composées de leur enveloppe de papier contenant la balle et la poudre convenablement dosée. Pour charger son mousquet, le militaire déchirait avec ses dents l'enveloppe de papier côté poudre, versait cette dernière dans le canon, puis faisait entrer le papier et la balle, le papier faisant office de bourre en s'appliquant sur la poudre. Le tout était ensuite bourré à l'aide d'une baguette.

Les cartouches ne furent plus suspendues au baudrier, mais placées dans une petite boîte en bois recouverte de cuir et agencée pour les recevoir avec un tire-balle et un tournevis. Comme la gibecière avait remplacé le carquois des archers, elle fut à son tour remplacée par un coffret que l'on nomma giberne et qui fut employé dans nos armées dès 1630. Les soldats la portaient dans le dos suspendu par une banderole de buffle large de deux pouces dix lignes.

Avec l'apparition du système à percussion, la cartouche fut adaptée au diamètre de l'arme. Elle était alors constituée d'un cylindre de carte(1), de papier ou de toile rempli de la poudre et de la balle et mis au diamètre de l'arme dans laquelle elle devait entrer. La mise à feu était réalisée par la flamme générée par l'écrasement de la capsule de fulminate indépendante de la cartouche et que le soldat déposait sur la cheminée de la platine du fusil.

Avec la mise au point du chargement par la culasse et l'adoption par l'armée française du fusil Chassepot, nommé fusil modèle 1866, on vit apparaître la cartouche dite amorcée, c'est-à-dire intégrant la capsule de fulminate qui à cette occasion changeait de forme pour s'adapter au nouveau système de percussion. La France conservait la cartouche de papier dit cartouche combustible. À la suite de la campagne de 1870-1871, une enquête fit ressortir la nécessité d'améliorer l'armement et plus spécialement les cartouches Mle. 1866. Cette cartouche avait le défaut de se détériorer dans les transports, notamment dans les gibernes et ne se consumait pas totalement laissant des résidus dans le canon. Les résultats des études menées sur cette cartouche par une commission instituée en septembre 1872 reconnurent l'impossibilité de concilier ces deux impératifs. La solution la plus appropriée consista à substituer à la cartouche combustible la cartouche à étui métallique. À la suite d'expériences menées par divers corps militaire, on fixa le calibre de cette nouvelle cartouche à 13,8 mm. Elle sera mise en service en 1874 à l'occasion du nouveau fusil Mle 1874 dit système Gras.


(1)  carton de différentes épaisseurs dont on se servait pour confectionner les cartouches.

Le fusil (22'38)

Après trois siècles de tâtonnement, de développement et de perfectionnement, une invention vint modifier profondément la conception des armes légères. La nouveauté du système consistait à créer une étincelle non plus par le frottement d'une roue d'acier comme dans la platine à rouet, Platine fusil à silexmais par le choc d'une pierre à feu ou silex contre une pièce d'acier nommée batterie. Le principe en est le suivant. Lorsque l'on appuie sur la détente, la noix pivote libérant le chien de son cran d'armement. Sous l'action d'un ressort, le chien pivote et s'abat violemment. Dans sa trajectoire, le silex frotte sur la batterie créant une gerbe d'étincelles. Le choc produit sur cette pièce et sa forme particulière l'obligent à se soulever laissant apparaître le bassinet dans lequel on a préalablement disposé le pulvérin qui s'enflamme au contact des étincelles.

  Pratique et rapide, cette platine inventée vers 1630 fut d'abord placée sur l'arme. Elle offrait malheureusement l'inconvénient de se détériorer assez rapidement. Les armuriers de l'époque entreprirent de protéger ce mécanisme en le faisant entrer à l'intérieur de l'arme. Après quelques modifications parut le fusil, ainsi nommé, car ce mot vient de focile, formé de focus qui signifie une pierre à feu. Il fut adopté par l'armée française en 1670 et une ordonnance du 6 février 1670 imposait que le canon de ces armes dût avoir trois pieds, huit pouces depuis la lumière du bassinet jusqu'au bout du canon, qu'il devait être au calibre de vingt balles à la livre. La pierre à fusil était considérée bonne si elle supportait cinquante actions sans être hors service. Cependant, cette adoption ne se fit pas sans de grandes difficultés de la part des généraux de Louis XIV qui tenaient bonBaïonnette à douille pour le mousquet et voulaient à tout prix conserver le mécanisme du rouet. Leur entêtement reposait sur l'idée que le fusil plus léger que le mousquet ne pouvait produire que des effets forcément moins redoutables.

Le fusil s'imposa lentement au sein de l'armée. Ce qui activa le plus son adoption dans les armées européennes fut l'invention de la baïonnette(1). Muni de cet accessoire, le fusil constituait un engin terrible, car il devenait tout à la fois arme de jet et arme d'hast(2). Dès lors, chaque fantassin valut deux hommes, le piquier et le fusilier. Les premières baïonnettes étaient des lames d'une trentaine de centimètres que l'on fichait dans une hampe de bois et que l'on enfonçait dans le canon du mousquet. En 1678, les fusils des grenadiers furent armés de cette baïonnette. Elle fut modifiée un peu plus tard et fabriquée dès 1701 avec une douille qui se fixait autour du canon et une lame coudée afin de permettre au soldat de tirer même si la baïonnette était en place. En 1692, chaque compagnie de fantassins possédait autant de fusils que de mousquets. En 1700 le fusil avait remplacé définitivement le mousquet. Lorsque l'infanterie fut entièrement armée de fusils à baïonnettes, le feu acquit une telle importance qu'il devint son principal moyen de combattre et en 1703, les armes d'hast furent entièrement supprimées dans les armées françaises.

Les fusils adoptés en 1703 par toute l'infanterie étaient très imparfaits. Ils dérivés du mousquet à mèche dont le canon de 1,20 m de longueur était au calibre de 20 à la livre. Leur système de mise à feu présentait de nombreux défauts au point que quelques-uns étaient équipés du double mécanisme de la mèche et de la pierre. Au cours du XVIII e siècle, on s'attacha à faire disparaître ces divers inconvénients et l'on finit par mettre au point une arme beaucoup plus fiable. Le premier modèle réglementaire de ce fusil que l'on destina à l'infanterie date de 1717. Cette arme recevra onze améliorations correspondant aux onze millésimes suivant : 1728, 1746, 1754, 1763, 1766, 1768, 1770, 1771, 1773, 1774, 1777. Ce dernier modèle reçut quelques corrections jusqu'en 1822, date à laquelle il fut progressivement remplacé par une nouvelle arme : le fusil à percussion.


(1) Certains auteurs pensent que la baïonnette tire son nom de Bayonne où elle fut fabriquée à son origine vers 1670.

(2) Les armes d'hast sont des armes qui sont composées d'un fer piquant ou tranchant monté à l'extrémité d'un long manche de bois appelé hampe.

Les fulminates (27'12)

Si durant toute cette période les progrès des armes portatives ont été dus essentiellement aux arts mécaniques, les découvertesBerthollet faites par Pierre Boulduc à partir de 1699 sur les composés chimiques allaient accélérer le phénomène. Ces travaux seront suivis par ceux de Nicolas Lemery qui fit sur le même sujet d'importantes recherches de 1712 à 1714, mais c'est à Bayen, alors pharmacien en chef des armées de Louis XV que l'on doit en 1774 une extraordinaire découverte le fulminate de mercure et ses propriétés explosives.

Il faudra cependant attendre les travaux de Fourcroy et de Vauquelin et surtout ceux de Berthollet entrepris en 1788 pour remplacer le salpêtre de la poudre à canon par le chlorate de potasse. L'attention des chimistes se tournât vers la découverte de Bayen. Berthollet avait fait la cruelle expérience de l'instabilité de ces mélanges à base de chlorate de potassion. À la suite de l'explosion de deux fabriques ayant entraîné la mort de plusieurs ouvriers, il reprit l'étude des fulminates et découvrit l'argent fulminant. Ce sel extrêmement instable ne sera utilisé que pour les feux d'artifice, mais sera à l'origine de l'engouement d'un grand nombre de savants qui s'appliquèrent à rechercher de nouvelles compositions fulminantes.

L'anglais Howard parvint en 1800 à préparer une poudre extrêmement explosive à base de fulminate de mercure qui présentait enfin toutes les qualités requises pour être employée dans les armes à feu et remplacer ainsi la poudre d'amorce. Ce mélange avait l'avantage d'être sans action sur le fer tandis que ceux précédemment inventés étaient très corrosifs. La mise au point de ce mélange fut à l'origine de l'invention d'un autre mécanisme de mise à feu, le système à percussion. L'armurier Lepage eut alors l'idée de substituer au système de mise à feu de la poudre, jusqu'ici réalisé par les étincelles d'un silex, un système fondé sur la propriété des composés fulminants de s'enflammer par le choc.

Les recherches et les travaux entrepris à ce sujet devaient durer vingt-huit ans avant de conduire à une solution complète.

Le système à percussion (29'30)


Les premiers essais de platine à percussion remontent à 1786. Après plusieurs essais, l'armurier Pauly proposa en 1812 un autre modèle de fusil en s'inspirant du fusil à silex. Il supprima l'ancien système de la batterie et le remplaça par  un tubeExemple de batterie à percussion nommé cheminée communiquant avec la lumière. Un petit marteau de forme recourbée fut mis en lieu et place du chien des armes à silex. La mise à feu se faisait par le choc de ce petit marteau sur un grain d'amorce que l'on posait avec précaution sur l'orifice supérieur de la cheminée. Ces premières amorces étaient de simples boulettes enduites de cire et de vernis que l'on déposait dans le bassinet pour être frappées par un percuteur. De son côté Julien-Leroy proposé un système similaire avec chargement par la culasse. Ces systèmes souvent modifiés présentaient de nombreux inconvénients. L'explosion produisait un fort crachement de cire ou de vernis qui rendait le tir très incommode pour le tireur et encrassait l'arme. L'amorce simplement posée sur la cheminée s'échappait souvent sans qu'on s'en aperçût ce qui produisait de nombreux ratés. Ils furent rejetés en 1820.

Pour supprimer ces défauts, on enferma le fulminate dans des capsules de verre, mais ces enveloppes fragiles et d'un maniement dangereux furent abandonnées lorsqu'un armurier anglais Joseph Eggs imagina en 1818 de placer la composition fulminante au fond d'une petite cuvette en cuivre rouge(1). La capsule était inventée et importée un an après en France. Quoique minime en apparence cette invention détermina l'application du système percutant aux armes de guerre. La mise au point de cette capsule en cuivre rouge et son remplissage furent délicats et l'explosion des fabriques d'amorces fulminantes était chose commune.

Tous les projets du système percutant furent élaborés en les combinant, pour les armes de guerre, avec le chargement par le tonnerre, mais ils furent rejetés à cause de leur complication, ou de leur défaut de solidité ou tout simplement parce qu'ils présentaient un danger pour l'utilisateur dû à une obturation incomplète de la partie postérieure du tonnerre. On se résolu a développer le système percutant sans changer le mode habituel de chargement. En 1822, l'armurier Latura proposa un premier projet qui fut suivit de nombreux autres, mais ne donnaient pas satisfaction pour équiper les armes de guerre.


(1) Le cuivre rouge avait été choisi pour ses qualités physiques malléabilité et inaltérabilité dans l'air sec.


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Après des siècles de perfectionnement, le fusil avait atteint un niveau de sophistication important. Les arts métallurgiques avaient permis la réduction notable de son poids, plus besoin d'être à deux, ni d'appui pour son utilisation. La rectitude des canons et la maîtrise de leurs rayures en avaient fait des armes précises. Les accidents dus à la poudre avaient été en partie jugulés par l'invention de la cartouche. Le système de mise à feu avec l'introduction des composés fulminants l'avait débarassé de mécanismes encombrants et peu fiables.

Malgré tous ces progrès, le chargement de l'arme demeurait un véritable point noir. Dès Charles X, tous les inventeurs de génie allaient s'atteler à ce problème qui allait faire l'objet d'une grande bataille d'idées et d'innombrables brevets.

le chargement par la bouche

Texte en audio

La carabine Delvigne (0'55)

Malgré sa justesse infiniment supérieure à celle du fusil, la carabine avait été abandonnée principalement pour deux raisons : sa lenteur au chargement quatre fois plus long que le procédé ordinaire, nécessitant l'emploi d'un maillet qui devenait vite un objet encombrant et l'absence de baïonnette privant le tireur de toutes défenses lorsqu'il avait fait feu. À la fin de l'Empire, on entreprit une série d'expériences sur une nouvelle carabine, mais cette tentative n'ayant abouti à aucune avancée significative, on abandonna la fabrication des armes rayées à l'arquebuserie de luxe.

La carabine rayée était donc parfaitement connue depuis environ trois cents ans comme étant une arme d'une portée et surtout d'une justesse très supérieure au Carabine Delvignefusil. La difficulté de son chargement avait seule empêché qu'on ne songeât à l'employer pour armer des corps de troupes. La question en était là depuis longtemps, lorsqu'en 1826, une invention due à Gustave Delvigne(1) devait transformer radicalement le système de chargement à balle forcée. Il imagina un nouveau mode de forcement permettant de charger une arme rayée par la bouche sans l'emploi du maillet et aussi rapidement que le fusil ordinaire.

La carabine qu'il présenta à l'appui de son système, connue dans l'histoire de l'arquebuserie sous le nom de carabine Delvigne, était du calibre de 1,65 cm et portait douze rayures au pas de 1m84. Ce qui la distinguait essentiellement, c'est qu'elle possédait au fond de l'âme une chambre cylindrique plus étroite que le canon destinée à recevoir la poudre. L'entrée de cette chambre avait été usinée de façon à créer un chanfrein conique de la même forme que la balle. La balle d'un calibre très légèrement inférieur au canon pouvait glisser librement jusqu'au fond du canon et venait prendre appui sur ce chanfrein. Il suffisait ensuite de deux ou trois coups de baguette pour la comprimer fortement et l'engager par un léger écrasement dans les rayures. 

Cette carabine, éprouvée en 1827 et en 1828, présentait quelques défauts. La commission militaire trouva qu'elle avait trop peu de portée pour être utilement employée à la guerre, qu'elle s'encrassait trop facilement et que l'écrasement de la balle sous le choc de la baguette dont une partie pénétrait dans la chambre à poudre avait pour effet de déplacer son centre de gravité de telle sorte que la justesse du tir s'en trouvait diminuée. 

Alors que cette ingénieuse invention aurait mérité les encouragements les plus sérieux, la commission militaire donna un avis défavorable lui reprochantDelvigne d'être moins précise que celles chargées au maillet. Delvigne ne se tint pas pour battu et poursuivit ses recherches en menant de nombreuses expériences pour déterminer les relations qui devaient exister entre la charge et la longueur du canon, l'inclinaison, la forme, la longueur et la profondeur des rayures, le calibre du projectile, mais surtout en expérimentant de nouveaux projectiles de forme allongée. Sa nouvelle arme, quoique supérieure sur le plan de la justesse et de la portée aux armes en usage dans l'armée, fut une nouvelle fois refusée par les généraux qui la déclarèrent « absurde et inadmissible ».

Lorsqu'en 1830 arriva l'expédition d'Alger, il saisit avec empressement cette occasion pour faire expérimenter son système. Appuyé par les ducs de Chartres et de Montpensier, il reçut alors l'ordre de se rendre en Afrique où il fut mis à la tête d'un détachement de cent tireurs d'élite armés en partie de fusils rayés de son système et bien entendu fabriqués à ses frais. Les résultats furent très satisfaisants et Delvigne de retour en métropole demanda au ministre de la Guerre que son système soit une nouvelle fois réexaminé, mais il fut repoussé par la commission pour la cinquième fois.

Face à l'opposition systématique(2) de la commission de l'armement composée de généraux, le lieutenant Delvigne n'eut d'autre choix que de démissionner en 1831 pour pouvoir se libérer de sa hiérarchie et de sa discipline. Dégagé de ses obligations militaires, Delvigne publia une série d'article dans lesquels il fit ressortir l'importance et l'avenir de ses idées. L'impact des ses publications sur le public et dans l'armée attira l'attention du gouvernement et le maréchal Soult, alors ministre de la Guerre, ordonna qu'une série d'expériences soit menée en 1833 et 1834. Elles avaient pour but de déterminer les conditions les plus favorables de fabrication et de chargement des carabines. Le programme ministériel ne portait pas sur la forme des projectiles et l'on continuait à s'en tenir à la balle sphérique. Ces expériences devaient mener à la création d'une arme satisfaisant dans une certaine mesure aux conditions de la guerre.


(1) Gustave Delvigne était sous-lieutenant au 2e régiment d'infanterie de la garde royale de Charles X.

(2) Comme tous les grands inventeurs, Delvigne fut victime de la jalousie de ceux qui s'imaginent que le titre dont on les a pourvus leur confère le savoir et l'intelligence. Pour affirmer ou conserver leur position dominante, leur arrogance va alors jeter sur l'inventeur un discrédit sans nom fait de mépris, de calomnie, de ridicule ou de mauvaise foi. Les inventeurs et leur trouvaille sont alors écartés. Tôt ou tard, le temps leur donnera raison, mais ils seront le plus souvent dépouillés de leur géniale idée par des profiteurs ou des opportunistes qui se chargeront de la mettre en valeur et d'en tirer tout le profit quand ils ne se l'attribuent pas.

Le système Delvigne-Pontcharra (5'18)

L'obstination de Delvigne lui permit de poursuivre ses expériences sous la direction de Pontcharra, lieutenant-colonel d'artillerie et inspecteur desSystème Delvigne-Poncharra manufactures d'armes. Ces dernières furent conduites avec beaucoup de rigueur et d'habileté et portèrent sur les divers éléments qui entrent dans la composition d'une arme rayée, le mode de forcement, la forme, le poids et le calibre de la balle, la longueur et le calibre du canon, le sens, l'inclinaison, la profondeur et le nombre des rayures.

À compter de ces travaux, la forme de la balle allait devenir un critère essentiel dans le perfectionnement des armes, mais devant l'hostilité des généraux à l'égard des balles oblongues on se préoccupa surtout de perfectionner l'arme première de Delvigne c'est-à-dire la carabine à balle sphérique.

Pontcharra s'attacha à supprimer le défaut du forçage de la balle du système Delvigne. En effet lorsqu'on faisait descendre la balle directement sur le ressaut de la chambre et qu'on l'écrasait à coups de baguette, l'écrasement n'était pas bien régulier à la circonférence, le plomb cédant au choc de la baguette pénétrait en outre dans la chambre. Cette déformation de la balle nuisait à la justesse du tir. Ponchara eut l'idée d'adapter à la balle un sabot cylindrique en bois sur lequel le projectile venait se loger. Il était creusé à sa partie supérieure pour recevoir la balle et reposait par une surface plane sur l'épaulement créé par la chambre à poudre dont le chanfrein avait été supprimé. De cette façon il devenait impossible à la balle de pénétrer dans la chambre à poudre lors de son écrasement et son étanchéité avec la paroi du canon s'en trouvée améliorée. Ce sabot sera introduit par la suite dans les cartouches entre la poudre et la balle.

La somme des améliorations dues à ces travaux et l'introduction des hausses pour graduer l'élévation de l'arme en fonction de la distance de tir conduisirent à l'adoption officielle de la carabine dite de Poncharra modèle 1836. On en équipa en 1838 (ordonnance du 14 novembre) un bataillon de tirailleurs formé à Vincennes qui fut envoyé en Algérie sous le nom de chasseurs de Vincennes(1). Cette carabine portait à 300 mètres avec une extrême justesse. Moins lourde que le fusil d'infanterie parce qu'elle était plus courte, elle conservait pourtant assez de longueur pour être munie de la baïonnette. Elle se chargeait facilement, s'encrassait peu et n'avait qu'un assez faible recul.


(1) Les services rendus en Afrique par les chasseurs de Vincennes furent tellement décisifs que l'organisation de dix bataillons de ces tirailleurs fut immédiatement décidée. Placés sous l'autorité du duc d'Orléans, ils prendront le nom de chasseur d'Orléans.

La carabine Thouvenin - Minié (7'54)

Le système Delvigne-Poncharra avait pour principal inconvénient d'utiliser des cartouches spéciales qui se détérioraient plus facilement que laBalle sphéro-conique cartouche ordinaire et qui n'étaient pas toujours faciles de se procurer en temps de guerre. Les recherches reprirent pour supprimer de la cartouche le sabot. En 1841, sur la proposition du chef d'escadron Thierry on entreprit de sérieux essais sur des balles autres que celles de forme sphérique. Il proposa une balle cylindrique terminée en avant par une demi-sphère. Delvigne, de son côté, proposait des balles ayant la forme d'une moitié d'ellipsoïde allongé avec un court cylindre à la base.

L'heureuse idée pour supprimer le sabot fut trouvée par le lieutenant colonel d'artillerie Thouvenin qui proposa en 1842 une arme qui prit le nom de carabine à Carabine Thouvenin - Miniétige. Le principe était simple, au lieu de forcer la balle par la circonférence en l'aplatissant à l'aide d'une baguette, on allait la forcer en l'écartant depuis son centre. Pour cela, Thouvenin abandonna le système de la chambre à poudre et le remplaça par une tige en acier vissée dans la culasse de la carabine dans l'axe même du canon et sur laquelle une nouvelle balle de forme sphérique venait prendre appui. La poudre occupait l'espace annulaire laissé libre autour de cette tige. On frappait la balle avec une baguette de fer dont le bout était évidé pour l'écraser sur la tige qui la pénétrait légèrement et la forçait avec beaucoup de régularité. On pouvait désormais renoncer au sabot et faire usage pour cette arme de la cartouche ordinaire, mais la balle sphérique ne répondait pas entièrement au but à atteindre et l'on décida de substituer à cette balle une balle allongée.

Depuis ses premiers travaux, Delvigne n'était pas resté inactif. En 1843, il fit paraître un article sur l'emploi et les effets des projectiles cylindro-coniques évidés. Il établissait que ces projectiles avaient un avantage incontestable de portée et de justesse sur les projectiles sphériques. À l'origine, Delvigne avait constaté que les projectiles allongés présentaient l'inconvenient de tourner sur eux-même durant leur trajectoire. Ce phénomène était du au déséquilibre de poids existant entre la partie avant fine et pointue et la partie arriére plus large et donc plus lourde du projectile. Pour le rééquilibrer, Delvigne eut l'idée de creuser les balles allongées dans leur partie arrière, afin de déplacer leur centre de gravité. L'aménagement de ce vide à la partie postérieure de la balle, l'avait conduitau cours de ses expériences, à la découverte d'un fait très remarquable. En s'engouffrant dans ce vide, les gaz de la poudre excerçaient sur les parois du projectile une assez forte pression pour l'écarter et le forçaient à prendre les rayures.

S'inspirant des différentes études menées par Delvigne sur les balles cylindro-conique, le capitaine Minié, instructeur à l'école de tir de Vincennes songea à utiliser ce type de munitionballe-cylindro-ogivale à la carabine à tige. Au cours de ses expériences, Minié s'aperçu qu'en faisant varier la forme de la balle, il obtenait des résultats différents. Il entreprit alors une étude très approfondie sur le sujet et à la suite d'une longue série d'expériences, il fut en mesure d'établir quelques principes mathématiques sur la forme et la longueur des projectiles afin que la pointe de la balle reste toujours en avant au cours de sa trajectoire. Il mit au point une balle cylindro-ogivale à cannelure qui, après sa déformation résultant du choc de la baguette conservait au tir sa justesse. La mise au point de ce projectile permit d'entrevoir qu'il était désormais possible d'utiliser des balles de forme et de longueur quelconques sans altérer la précision du tir.

Après divers tâtonnements, Minié et Thouvenin furent en mesure en 1844 de présenter au gouvernement une carabine à tige munie d'une balle oblongue. Le pas des rayures avait été augmenté passant de 1m à 1,30m, ainsi que le poids de la balle, la charge de poudre réduite, la cartouche commode et le chargement facile. La Balle cylindro-ogivale canneléeprécision et la portée de cette nouvelle arme dépassèrent de beaucoup tout ce qu'on avait obtenu jusqu'alors des armes de guerre.

En poursuivant les études sur des projectiles dont la longueur était supérieure au calibre, le commandant d'artillerie Tamisier constata, comme Delvigne vingt ans plus tôt, qu'il n'était pas nécessaire pour augmenter la porter d'une arme d'en augmenter le calibre. En allongeant le projectile et donc en augmentant son poids, on obtenait ce résultat après les correctifs nécessaires effectués à la mécanique de l'arme et au volume de poudre. L'expérience aidant, Tamisier constata également que des cannelures pratiquées à l'arrière de la balle lui permettaient, comme l'empennage d'un trait, de conserver au cours de sa trajectoire la pointe à l'avant. La balle fut adoptée et utilisée dans la carabine à tige.

À la fin de 1846, la supériorité de la carabine Thouvenin-Minié-Tamisier ayant été reconnue de tous, elle devint une arme réglementaire sous le nom de carabine modèle de 1846.

Évolution des projectiles (12')

Le gouvernement se préoccupa alors de transformer le vieux fusil à canon lisse en usage dans toute l'infanterie française en fusil rayé à tige, mais Minié proposa un perfectionnement inattendu qui vint tout remettre en question. Reprenant à son compte une idée développée en 1835 par Greener, un arquebusier anglais, il proposait ni plus ni moins de supprimer la baguette utilisée pour le forcement de la balle en rendant cette action automatique. La balle était forcée non plus par écrasement, mais par un phénomène de dilatation produit par les gaz résultant de l'inflammation de la poudre. Delvigne qui de son côté continuait ses recherches sur sa balle cylindro-conique avait également remarqué qu'en pratiquant un évidement dans la partie postérieure de la balle, elle se dilatatait sous l'action des gaz de la poudre. Cette découverte avait d'ailleurs fait l'objet d'un brevet d'invention qu'il avait déposé le 22 décembre 1842.

Le mérite du capitaine Étienne Minié fut de mettre en pratique dès 1846 cette découverte en perfectionnant d'une manière fort Balle à culot - Miniéingénieuse sa balle pour en faire une balle à culot. L'évidement tronc-conique de la balle recevait dans sa partie la plus large une petite coupelle en acier, le culot, également de forme tronc-conique. En raison de sa densité inférieure à celle de la balle, le culot recevait le premier l'impulsion des gaz de la poudre et, par glissement sur les parois intérieures du projectile, exerçait une pression qui le forçait à s'ouvrir, à se dilater et à s'imprimer dans les rayures.

Cette trouvaille retint toute l'attention du gouvernement français qui avait mesuré son importance et présentait bien des avantages. Facilité et régularité du chargement, suppression de la tige intérieure et de la baguette de forcement, transformation rapide et économique du fusil lisse en fusil rayé telles étaient ses qualités les plus saillantes.Balle modèle 1863

Après le temps de la recherche vint le temps de l'expérimentation qui donna lieu à un perfectionnement de la forme de la balle et de son culot. Cependant, malgré l'avantage des armes sans tige tirant la balle à culot sur les armes à tige tirant la balle oblongue, l'adoption de la balle à culot resta à l'état de projet. Minier proposera d'autres modèles de balle, mais ils seront rejetées jusqu'à la mise au point d'une balle offrant les avantages d'être sans culot, de faible poids, d'une grande portée et d'une grande justesse. Elle sera adoptée pour l'infanterie sous le nom de balle modèle 1857. Cette balle à évidement pyramidal sera remplacée par la balle modèle 1863 qui ne diffère de la précédente que par son évidement quadrangulaire et son poids légèrement supérieur (36g au lieu de 32g).

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le chargement par la culasse

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Le fusil à aiguille

La recherche et l'expérimentation ayant permis d'apporter aux armes à feu portatives des avancées spectaculaires, le chargement par la bouche du canon n'était plus perçu comme l'unique solution et fort de l'expérience acquise dans la fabrication des fusils de chasse, le chargement par la culasse devait pouvoir être transposé sans grande difficulté sur les armes de guerre. Cependant, pour conserver à l'arme sa robustesse, ce chargement ne pouvait se faire comme les armes de chasse consistant à faire basculer le canon vers le bas pour le désolidariser de son mécanisme de mise à feu. En effet, l'emploi de la baïonnette exigeait la solidité et la rigidité de l'arme et pour cela il fallait que le canon et la crosse soient invariablement liés l'un à l'autre.

Cette idée n'était pas nouvelle et les fabricants des nations européennes s'étaient emparés du sujet depuis longtemps, mais, quel que soit le système retenu, un problème perturbait ces inventions et rendait les armes dangereuses. En effet le manque d'étanchéité entre la charge et la culasse générait des crachements préjudiciables à l'utilisateur.

En 1808, l'empereur Napoléon Ier demanda à l'armurier Pauly de concevoir ce type d'arme. Pauly, armurier suisse établi à Paris, imagina un fusil à percussion qui différait de celui de Forsith(1) d'en sa manière d'être chargé. La cartouche était alors introduite par la culasse, mais la mise en oeuvre de ce système demeurait compliquée. Il fut abandonné ou plutôt délaissé pour un temps, mais quelques années plus tard les premiers modèles firent leur apparition. Hélas, leur système d'obturation du tonnerre et l'utilisation de cartouche spéciale en faisaient toujours des armes dangereuses pour le tireur.

Il faudra attendre 1817 et l'invention du fusil à aiguille par l'armurier allemand Jean-Nicolas Dreyse pour donner à ce mode de chargement un nouvel intérêt. La mise au point de son arme avait été précédée par la création d'une nouvelle cartouche. Alors qu'il travaillait au perfectionnement des capsules de fulminate pour les fusils de chasse, il eut l'idée d'introduire tout simplement la capsule dans la cartouche qui ne contenanait alors que la poudre et la balle, restait ensuite à trouver un autre système que le chien pour la percuter. L'idée fut de la frapper à l'aide d'une aiguille poussée énergiquement par un ressort. Dreyse y parvint et en avril 1828, il obtint un brevet de huit ans pour son fusil à aiguille et sa cartouche fulminante. Son premier fusil se chargeait encore par la bouche du canon et ce n'est qu'après de longues années de recherches et d'expériences qu'il parvint en 1836 à appliquer à son fusil à aiguille le chargement par la culasse. Ce fusil subira bien d'autres perfectionnements et en 1841, la Prusse l'adopta pour son armée.


Pour charger le fusil, la culasse mobile est tirée en arrière à l'aide d'un levier (il n'apparaît pas sur le dessin) qui se déverrouille en le faisant pivoter d'un quart de tour pour dégager ses tenons de la boîte de culasse. Lorsque le tonnerre est démasqué on introduit la cartouche dans le canon, puis on referme en ramenant la culasse à l'aide du levier que l'on verrouille par pivotement inverse. L'étanchéité de l'explosion est assurée par les formes tronconiques mâle et femelle de la culasse et du tonnerre. Pour armer le fusil, l'utilisateur tire la contre-culasse en arrière pour bander le ressort et crocheter l'épaulement de la tige porte-aiguille sur le verrou de la détente. Pour éviter les accidents, on armait le fusil avant de le charger.


(1) Forsith était un armurier écossais qui déposa le premier brevet en 1807, mais son invention n'eut pas le succès qu'il escomptait.

Le fusil Chassepot (3'42)

 Les nations de l'Europe pourtant si promptes à se saisir de toute nouveauté en matière d'armement ne s'étaient guerre interressées à cette invention, mais à la suite des guerres menées par la Prusse et de ses victoires sur le champ de bataille grâce à sa puissance de feu, elles durent revenir de leur indifférence et adopter l'arme nouvelle. En France comme ailleurs il fallut rattraper le temps perdu. Le cap était à nouveau fixé : un fusil d'infanterie de petit calibre se chargeant par la culasse. Il ne restait plus qu'à faire un choix parmi les nombreux modèles que l'on connaissait à cette époque. Ce n'est pas moins de 80 systèmes d'armes qui allaient subir en cinq ans des essais plus ou moins longs soit dans les corps de troupe, soit dans les commissions spéciales d'expériences. 

Les travaux entrepris permirent de déterminer le calibre, la rayure, le poids de l'arme, la balle, la charge et sa composition qui convenaient le mieux pour assurer la portée, la justesse, la continuité du tir, la légèreté de l'arme tout en conservant un recul acceptable. Ce travail de recherche et de perfectionnement aboutit à l'adoption d'un modèle proposé par Chassepot.

Fusil Chassepot

Le principe général de fonctionnement de ce fusil était identique à celui de Dreyse. L'ouverture de la chambre se faisait par le recul de la culasse solidaire d'un levier d'armement (non visible sur le dessin). Pour cela, on faisait pivoter d'un quart de tour le levier d'armement pour le libérer de son verrouillage puis on le tirait à l'arrière. La cartouche introduite dans la chambre, la culasse était ramenée à l'avant et maintenue dans cette position par le verrouillage du levier d'armement rabattu sur le côté. L'étanchéité de l'explosion était assurée par un obturateur en caoutchouc placé sur le porte-aiguille fixé en bout de la culasse. ChassepotPour armer le fusil, l'utilisateur tirait le chien en arrière ce qui avait pour effet de bander le ressort, de faire reculer l'aiguille dans le porte-aiguille et de le crocheter sur le verrou de la détente. L'arme était prête à tirer.

Le fusil de Chassepot se démarquait de celui de Dreyse par sa simplicité, sa robustesse, son entretien facile, mais également par sa nouvelle cartouche. Cartouche ChassepotDreyse, qui avait été le premier à introduire dans la cartouche la pastille fulminante, l'avait conçu en plaçant cette dernière derrière la balle de telle sorte que l'aiguille de son fusil devait d'abord traverser toute la poudre de la cartouche avant d'aller frapper l'amorce. Avec l'utilisation de cartouches en papier, Dreyse s'assurait ainsi, en positionnement l'amorce derrière la balle, qu'elle serait toujours parfaitement dans l'axe de l'aiguille. Ce mode d'inflammation de la poudre présentait plusieurs avantages. Il permettait l'entière combustion de la poudre avant que la balle ne sorte du canon favorisant ainsi une poussée maximale des gaz sur le projectile. Il offrait encore l'avantage au tireur de ne pas être vu de nuit. En effet, la combustion se faisant entièrement à l'intérieur du canon, il n'y avait pas de projection hors du canon d'une partie de la poudre non brûlée qui accompagne le projectile.

Chassepot repris le principe du fusil à aiguille de Dreyse et fut l'auteur de plusieurs améliorations dont l'obturateur en caoutchouc, l'amélioration du mécanisme de mise à feu et la cartouche dont la capsule de fulminate fut fixée à sa base inférieure. Cette disposition moins avantageuse permettait surtout d'utiliser des aiguilles deux fois plus courte et donc moins fragile, assurant au soldat une plus grande fiabilité de son arme.

Ce fusil de 3Kg et était équipé d'un sabre-baïonnette. Son canon à quatre rayures hélicoïdales était de calibre 11mm. Sa portée deux fois supérieure à son prédécesseur, sa précision, la simplicité et la promptitude de son chargement le fit préférer à d'autres modèles et il fut choisi pour équiper l'armée française sous le nom de fusil modèle 1866. En 1870, la France possédait environ 1 200 000 fusil de ce modèle. C'est presque exclusivement avec les armes modèle 1866, que l'on fit la campagne de 1870-1871.

Le fusil Gras (8'05)

À la suite de la campagne de 1870-1871, le ministre de la guerre demanda un rapport sur le comportement des armes portatives et de leurs munitions au cours de cette épreuve. Cette dramatique période permit de mettre en lumière les qualités et les défauts des armements et l'enquête conclut à la nécessité d'apporter certaines améliorations à ces armes et spécialement aux cartouches modèle 1866.


Fusil modèle 1874

En effet, comme Dreyse, Chassepot utilisait des cartouches en papier qui devaient disparaître le coup parti, soit en étant brûlée soit par expulsion des résidus. Les avantages de ce système permettaient d'avoir une munition plus Graslégère, des tolérances relativement importantes dans la fabrication des cartouches et d'éliminer le souci de l'extraction de l'étui du canon après le tir. Pour parvenir à faire disparaître la cartouche par effet du tir, on sacrifia un peu de la solidité de son enveloppe, mais ce choix eut pour inconvénient leur rapide détérioration notamment lorsqu'elles n'étaient plus maintenues dans les gibernes des soldats. Les armes du modèle 1866 présentaient en outre quelques inconvénients qui étaient loin d'avoir le même caractère de gravité, mais qu'il convenait d'être atténués, voire supprimés.

Le point faible étant la cartouche, c'est tout naturellement sur elle que se porta l'attention de la commission d'examen. Elle mit très rapidement en évidence les limites de ce type de cartouches et émit l'avis que la solution la plus avantageuse consisterait dans la substitution d'une cartouche à étui métallique à la cartouche combustible. Cet avis entraînait obligatoirement la modification complète de l'arme qui devait avec l'adoption d'une cartouche à étui métallique disposer sur le mécanisme de fermeture d'un système extraction permettant de retirer facilement l'étuiCartouche à étui metallique modèle 1874 d'une cartouche enfoncée dans la chambre.

Un très grand nombre de systèmes furent proposés, mais après les premiers essais le fusil de M. Gras parut satisfaire plus spécialement aux conditions générales qui avaient été imposées. Le système Gras consistait à remplacer après avoir tubé le canon la culasse mobile du fusil modèle 1866 par un nouveau mécanisme approprié aux conditions qu'implique l'emploi de la cartouche métallique tout en conservant comme moteur de percussion un ressort à boudin déjà employé dans le fusil 1866. Cela permettait de conserver un même système entre les différents types d'armes modèle 1866 de l'infanterie, la cavalerie et artillerie.

Il sera adopté en France par décision du 7 juillet 1874. Les armes neuves fabriquées d'après le système Gras prirent la dénomination de fusils, carabines ou mousquetons modèle 1874. Les armes modèle 1866 transformées d'après le même système furent désignées sous le nom d'armes modèle 1866-1874.

Le fusil Gras mesure 1,305m. Son canon de 820mm de long est au calibre de 11 mm. Ses quatre rayures sont au pas de 0,55m. Il est équipé d'une épée-baïonnette. La cartouche mise au point pour ce fusil est réalisée avec un étui en laiton portant sur son culot l'amorce. C'est la cartouche modèle 1874.






Avec le fusil Gras, l'armée française possédait enfin une arme réunissant tous les éléments qui avaient fait l'objet d'inombrables recherches et brevets au cours des siècles précédents, mais n'avaient pu voir le jour par manque de fiabilité, de simplicité ou de connaissances. L'arme était solide, puissante et précise, d'un poids raisonnable et facile à manier, ses organes de visée étaient au point, elle était équipée d'une baïonette qui ne génait pas le tir, son canon et ses rayures étaient usinés avec précision. Le point d'orgue de ce fusil était sa cartouche à étui métallique renfermant la balle, la charge et l'amorce. Plus solide, elle avait fait disparaître un grand nombre de problèmes dont ceux liés à son chargement, à son encrassement, son transport. Avec l'invention de l'extracteur à étui, une idée fort ancienne allait reparaître : le fusil à répétition. Les armes à magasin de cartouches, permettant de tirer plusieurs coups sans être rechargées, allaient être l'objectif suivant.


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